

ll n'est plus possible
aujourd'hui d'ignorer que la santé de la Terre conditionne la
santé
des
espèces vivantes qui la peuplent. Il n'est plus possible de
continuer à faire comme si nous n'étions pas concernés par les
conséquences à long terme de nos activités polluantes ; la
dégradation de l'environnement constitue selon les experts
indépendants une des causes principales des "maladies de
civilisations" découlant entre autre facteur, de l'
affaiblissement de nos défenses immunitaires provoqué par les
agressions externes et la dégradation de l’équilibre
alimentaire. Par ailleurs, les catastrophes climatiques récentes
semblent résulter pour une part importante des activités
humaines (industrie, moteurs à combustion). La déforestation de
l'Amazonie aggrave la situation en déséquilibrant ce gigantesque
climatiseur qui temporisait le régime des pluies en Amérique et
en Europe. Enfin, l'Amazonie constitue un patrimoine végétal et
animal inestimable. Un scientifique pharmacologue Brésilien a
affirmé que plus de 1500 plantes possédant des vertus
anticancéreuses existaient dans cette forêt mais que 10% à peine
pourraient être sérieusement étudiées faute de moyens. Il faut
aider les scientifiques et associations qui œuvrent pour la
conservation de l'Amazonie et encourager les entreprises à
développer le mécénat écologique.

La déforestation en
chiffres
La déforestation de l’Amazonie et des zones tropicales constitue
un des plus grands
désastres
écologiques de notre époque moderne et qui mises à part les
campagnes de sensibilisation symbolisées par le tour du monde de
RAONI, semble ne pas nous concerner. Il est nécessaire de
rappeler qu’à chaque seconde de lecture de cet article,
l’équivalent d’un terrain de football de forêt vierge disparaît
sous les pelles des bulldozers, les scies des forestiers et le
feu des agriculteurs qui pratiquent encore la culture
traditionnelle sur brûlis. Ce
mode cultural n’aurait pas d’impact grave sur l’écosystème s’il
était ponctuel et limité à de faibles surfaces, mais sa
généralisation sur de grandes étendues constitue une véritable
catastrophe écologique. Plus de 6.000 incendies simultanés
embrasent en permanence la forêt d'Amazonie. Ceci ne serait
qu’un désastre relatif si la replantation raisonnée respectant
la biodiversité remplaçait les espaces dévastés.
Quelques chiffres :
Chaque année 7 milliards de grands arbres utiles sont abattus
sans être remplacés, sans
compter
le arbres et arbustes voisins qui subissent le même sort ( vous
pouvez multiplier par 10). Peu à peu les immenses forêt
tropicales, berceau de la vie terrestre la plus abondante et la
plus riche du nouveau monde disparaissent pour laisser des
espaces pelés et stériles. Il faudra des milliers d’années pour
qu’une éventuelle reforestation naturelle se reconstitue sur le
sol rouge de latérite que l'humus devra reconquérir. Le sol de
la forêt tropicale vierge est en effet
très pauvre en humus mais le système racinaire de surface le
retient de telle sorte qu’elle ne perd que seuls quelques kilos
d’humus sont emportés à la rivière par l'eau de ruissellement .
Par contre, quand la forêt est détruite, réduite en pâturage ou
cultivée selon la méthode du brûlis ce sont 20 tonnes d’humus
qui sont arrachées au sol par l’érosion et qui se retrouvent
dans les mille affluents de l' Amazone et
jusqu'à
100 Kms de son embouchure. Si nous n’agissons pas rapidement, à
la fin de ce siècle, au rythme actuel des destructions, les
derniers indiens primitifs se seront éteints à jamais et avec
eux plus d'un million d'espèces animales et végétales. A terme,
si nous n'agissons pas, dans 50 ans, la totalité de la forêt
tropicale originelle aura été rasée si l'on maintient le rythme
actuel de 200.000 km2 de déforestation par an.

La solution : concilier
cultures et forêts
La solution pour tenter de préserver la forêt tout en
développant l'agriculture a été
élaborée par une équipe de chercheurs dont nous ne pouvons
qu'admirer la ténacité et la détermination. Il s'agit de
l'agrosylviculture. Cette technique agro forestière est
considérée par les experts agronomes comme une solution d’avenir
parfaitement adaptée à la forêt d’Amazonie, bien qu’elle soit
difficile à mettre en œuvre auprès des agriculteurs plus
habitués à abandonner la terre épuisée après 3 ou 4 ans de
cultures qu’
à
entretenir l’humus et à replanter des arbres à croissance lente.
La recherche entreprise depuis quelques années par les
chercheurs de l’I.N.P.A. (Institut National de Pesquisas
d'Amazonie) est riche d’espoir. Johannes Van Leeuwen,
coordinateur de la recherche agro forestière a expliqué
le projet sur lequel il travaille avec son équipe depuis plus de
10 ans :
“L’agroforestry est un mot nouveau qui désigne une ancienne
pratique de culture simultanée d’arbres, de champs avec parfois
de l’élevage. Elle est considérée comme une utilisation viable
de la forêt d’Amazonie dans la mesure où elle reproduit les
conditions de biomasse avec une forte densité de racines et une
couverture du sol permanente. La couverture des arbres et
déchets
organiques
permettent la croissance des végétaux tout en protégeant le sol
de l’érosion et des fortes températures. Le sol contient ainsi
plus de matières organiques et favorise la retenue d’eau et de
matières organiques dont le phosphore. La nature du sol est
améliorée par le pourrissement des racines et la présence des
animaux. Ainsi s’établit un cycle naturel. Ces aspects revêtent
une importance capitale en Amazonie compte tenu du fort
ensoleillement et des fortes chutes de pluie, sachant que la
majorité des terres sont pauvres avec de faibles capacités de
stockage de matières nutritives. Les terres inondables sont les
plus riches. Les arbres, une fois bien enracinés, survivent aux
inondations .” Il faut savoir que celles ci peuvent atteindre 14
à 16 m de hauteur dans certaines régions et que d’une année à
l’autre les variations de hauteur des crues peuvent atteindre 4
m. Les plantations d’arbres dans
cette
région sont par conséquent moins risquées que les cultures
vivrières qui sont souvent emportées par les eaux. Tout le monde
est convaincu de l’intérêt de la mise en place de
l’agroforesterie, mais le manque d’information des agriculteurs
reste l’obstacle majeur. Cette recherche n’a commencé que
récemment. Cette culture traditionnelle existe depuis des
siècles mais
il reste à déterminer si elle peut être adaptée et dans quelles
conditions, par d’autres agriculteurs. C’est dans un vaste
concept qui englobe des cultures variées telles que les jardins
potagers , les jachères améliorées, les cultures de plantes
vivaces sous ombrage, les pâturages ombrés, les cultures “en
layons”.
Il existe plusieurs centaines d’espèces qu’il est possible de
combiner mais pour la plupart d’entre elles, nous ne disposons
d’aucune information. Les utilisateurs potentiels de cette
technique sont également très divers (possibilités
d’investissement,
éloignement
des points de vente...). Les plantations témoins ont besoin de
grandes surfaces et demandent un suivi de plusieurs années. La
recherche arrive aujourd’hui au stade de la mise en application
à grande échelle Ses objectifs sont essentiellement de doper
l’agroforesterie en Amazonie en motivant les fermiers par un
système de culture qui leur convienne économiquement et
socialement et qui soient écologiquement corrects.
Il est important de bien comprendre le rôle que jouent les
arbres dans tous les systèmes.
Tous les projets doivent se baser sur cette idée. Il est
beaucoup plus facile d’encourager et d’améliorer des pratiques
existantes plutôt que d’en proposer de nouvelles. Une liste de
14 systèmes utilisés traditionnellement a été établie dans la
région de Manaus. Un système combinant une couverture supérieure
d’arbres à caoutchouc avec une couverture plus basse de cacao se
rencontrent fréquemment dans la partie
supérieure des plaines inondables. Près de Manaus, le système
est remplacé progressivement par la culture de denrées plus
périssables telle que la papaye, fruits de la passion et okra.
Nous avons rencontré 50 espèces vivaces différentes dans les
jardins potagers. Pour les cultures itinérantes, la plupart des
arbres sont semés ou plantés dans les champs défrichés. C’est
une technique peu coûteuse, d’entretien facile, prisée des
petits producteurs car il y a peu de pertes.
Système des fermes
pilotes.
Des systèmes sont élaborés en collaboration avec les fermiers
volontaires. Le cultivateur
fournit le terrain et la main-d’oeuvre, les centres de recherche
apportent une aide matérielle ainsi que des conseils techniques.
Les propositions de développement portent sur les espèces, les
espacements, les quantités, les combinaisons, l’ordre des
plantations et la prévision des évolutions. Les arbres et les
cultures existant sont intégrés dans le projet. Chaque projet
est spécifique à une exploitation, la décision finale revenant
au fermier. Les surfaces cultivables seront entretenues par le
fermier
(éclaircissement,
semis, taille, introduction de nouvelles espèces) en
collaboration avec l’équipe de chercheurs. La croissance des
arbres est mesurée à intervalle régulier. Les espaces cultivés
transforment les terrains dégradés par des cultures annuelles en
plantations qui combinent différentes essences d’intérêt
économique. Les espaces replantés doivent être surveillés
pendant plusieurs années ce qui pose le problème des subsides.”
Ce programme exposé clairement par Johannes Van Leeuwen se
termine par un constat : où trouver l'argent pour surveiller le
respect du programme. Éternel problème mais qui se pose de façon
cruciale en Amazonie. En effet il faut savoir que le Brésil est
très endetté et que seule une aide
extérieure peut sauver le patrimoine forestier d’Amazonie,
patrimoine mondial qui nous concerne tous, même si nous habitons
aux antipodes. Rappelons simplement que, sans être vraiment le
“poumon du monde”, la forêt d’Amazonie constitue un des plus
puissants régulateurs du climat mondial (sécheresse,
inondations...). Les chercheurs de l’INPA, malgré leur bonne
volonté, sont limités dans leurs ambitions par des budgets trop
faibles pour espérer de développer leur projet de sauvegarde .
Les petits agriculteurs sont parfois contraints de s’endetter
pour des récoltes vendues à des prix aléatoires. Ils ont besoin
de notre aide, non seulement pour survivre mais aussi pour
replanter la forêt. Ils sont les mieux placés et les plus
compétents, entourés des conseils des scientifiques dévoués à la
protection de la forêt.
Pour lutter contre
l’effet de serre
Stopper l'effet de serre devient une priorité absolue pour
l'humanité si nous voulons que
l'espèce
humaine appartienne encore à l'avenir de la Terre dans un ou
deux siècles. En effet certains parlent d’une augmentation de 2
à 3 degrés pour le siècle à venir si on ne parvient pas à
réduire l’excès de gaz carbonique produit par la combustion
organique. Les conséquences de ce réchauffement seraient
catastrophiques puisqu’il se traduirait par la montée de la mer
de plus de 1 mètre, inondant des régions où vivent des centaines
de millions d’être humains.
Le reboisement reste la seule
solution pour stopper l'effet de serre.
L'excès actuel de gaz carbonique est estimé à 3 milliards de
tonnes. Les estimations actuelles indiquent la destruction de 40
à 50 ha à la minute soit près d'un hectare à la
seconde soit 13000 arbres abattus à la minute , 793000 par heure
et 19 millions par jour ! Il existe près de 500 arbres de plus
de 10 cm de diamètre à l'hectare en forêt tropicale humide. 2
millions de km2 de plantes en croissance fixeraient 1 milliard
de tonnes de carbone par an jusqu'à complète maturité Il
faudrait replanter 6 millions de km2 pour absorber les 3
milliards de tonnes de carbone en excès chaque année soit 348
milliards d'arbres. On en abat 7 milliards par an.
Replanter le grand jardin tropical
Une surface de 2.000.000 de km2 de forêt tropicale , soit trois
fois 1/2 la surface de la
France
est à reboiser d'urgence non seulement dans le but de protéger
les sols de la stérilisation définitive, mais aussi pour éviter
la poursuite de la déforestation en plantant dans les plus brefs
délais des végétaux fournissant le bois de construction, la pâte
à papier et le combustible nécessaires aux besoins de
l’industrie. Il faut savoir qu’un grand arbre d’ Amazonie comme
le Bois de Rose met 35 ans pour devenir un arbre adulte et 100
ans pour un Copaïba.
Replanter la forêt tropicale ne demande qu’un investissement
modeste à l’hectare.
Les ingénieurs agronomes spécialisés dans la flore amazonienne,
ont sélectionné les espèces qui acceptent de pousser sur les
vastes étendues stérilisées par
des années d’érosion. La collaboration des agriculteurs locaux
est indispensable à la réussite de la replantation et à
l’entretien des jeunes arbres. Dans un premier temps il faut
panser les plaies avec des arbres et arbustes à croissance
rapide : les palmiers et les bambous (certains peuvent grandir
de 91 cm en 24 h soit 30 m en 3 mois pour un record mondial de 3
cm à l'heure !) mais aussi l’hibiscus sabdariffa (23 tonnes
de
bois à l'hectare), qui fournit une excellente pâte à papier.
Pour remplacer momentanément le Bois de Rose, pour l’extraction
du linalol, substance aromatique très utilisée en parfumerie et
cosmétique, nous choisirons le croton cajuçara, à croissance
rapide ( 6 ans pour un croton, 35 ans pour un bois de rose) .
Pour le bois de chauffage, le papier, le bois de construction,
des centaines d’essences existent parmi
lesquelles : acacias, lianes, eucalyptus, ipê-roxo, acajou,
palmiers.
L’Amazonie c’est aussi une profusion d’arbres fruitiers, de
plantes médicinales (arbres, lianes, plantes aromatiques, herbes
terrestres et aquatiques) et de plantes adaptogènes (
anti-fatigue, améliorant la résistance au stress, tonique
stimulant des défenses naturelles... ) dont le fameux tonique
amazonien appelé par les autochtones « paratudo » signifiant sa
polyvalence d’action.


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